Tourbières et CDN 3.0 en République Démocratique du Congo : socio-anthropologie de la gouvernance écologique et capitalisation des puits de carbone du bassin du Congo
Par Kapinga Kayembe Nadia[1] et Bisa Kibul Michel[2]
[1] Nadia Kapinga Kayembe est doctorante en Science Politiques à l’Université de Kinshasa. Elle intéresse à la gouvernance des écosystèmes humides. nadiakayemben@gmail.com
[2] Bisa Kibul Michel est enseignant-chercheur à l’Observatoire de la Gouvernance, Géo politologue, il s’intéresse aux dynamiques climatiques et enjeux de la gouvernance des Ressources Naturelles. Michel.bisa@unikin.ac.cd
Résumé
La République Démocratique du Congo (RDC) constitue l’un des territoires les plus stratégiques du globe pour la lutte contre le changement climatique, en raison notamment de ses vastes zones humides, dont les tourbières du Bassin du Congo. Alors que la CDN 3.0 entend rehausser les ambitions climatiques nationales, cet article issu des travaux préliminaires de la recherche doctorale de Nadia Kapinga Kayembe propose une lecture socio-anthropologique de cette contribution, en mettant l'accent sur les enjeux locaux, les limites structurelles, les asymétries de pouvoir dans le financement climatique et les stratégies de valorisation du génie scientifique local des zones humides. À travers une analyse pluridisciplinaire, il s'agit de repositionner la RDC non comme simple réceptacle des politiques climatiques globales, mais comme acteur souverain, stratégique et porteur de solutions.
Abstract
The Democratic Republic of Congo (DRC) stands as one of the world’s most strategically significant territories in the fight against climate change, owing largely to its extensive wetlands, including the peatlands of the Congo Basin. As the country prepares to submit its third Nationally Determined Contribution (NDC 3.0), this article-drawn from the preliminary doctoral research of Nadia Kapinga Kayembe-offers a socio-anthropological interpretation of the policy, with a focus on local challenges, structural limitations, power asymmetries in climate finance, and the undervaluation of local scientific ingenuity in wetland governance. Through a multidisciplinary lens, the article reframes the DRC not as a passive recipient of global climate policies, but as a sovereign, strategic, and solution-oriented actor on the international climate stage.
Forêts, climat et gouvernance en RDC : Dynamiques institutionnelles et socio-anthropologiques de l’élaboration de la politique forestière nationale
Par Kibenze Muamba Freddy[1] et Bisa Kibul Michel[2]
[1] Kibenze Muamba Freddy est Enseignant-Chercheur Junior au Département de Science Politique et Administrative de l’Université de Kinshasa et Chercheur à l’Observatoire de la Gouvernance. freddykibenze@gmail.com
[2] Michel Bisa Kibul est Professeur de Géographie Politique, Secrétaire Scientifique de l’Observatoire de la Gouvernance et Directeur à l’Incubateur du Génie Scientifique Congolais. +243 81 37 45 540. Michel.bisa@unikin.ac.cd /// blog. www.michelbisa.com
Résumé
Cet article examine les dynamiques politiques, économiques et socio-anthropologiques qui traversent la gestion des forêts en République Démocratique du Congo (RDC), à partir du processus de diagnostic ayant conduit à l’élaboration de la nouvelle Politique Forestière Nationale (PFN). Basé sur une démarche empirique participative mobilisant experts, communautés locales, institutions publiques et partenaires techniques, le travail met en lumière les tensions entre les logiques de conservation globale, les impératifs de croissance économique, et les pratiques locales de gestion des ressources. Nous analysons la complexité de la gouvernance forestière congolaise, à l'intersection de l’économie politique du climat, des dynamiques foncières locales et de la recomposition des rapports de pouvoir. Ce texte contribue à la littérature sur les politiques environnementales dans les États à capacité institutionnelle fragmentée (Aundu, 2012) et à la Gouvernance vampirisée (Bisa, 2019 et 2021) où les forêts deviennent autant des enjeux de survie que des objets de marchandisation climatique. Par ailleurs, l’étude plaide pour une reconnaissance et valorisation institutionnelle de nouveaux types de forêts, comme les concessions de conservation, ainsi qu’un renforcement de la puissance étatique dans la gouvernance forestière où, au profit des communautés locales et peuples autochtones Pygmées, l’Etat est en train de perdre le monopole de la violence légitime. L’intégration des mécanismes de certification carbone, des systèmes de redevabilité locale, et la valorisation du génie scientifique forestier ainsi que des innovations et inventions communautaires s’impose comme une stratégie pour faire de la forêt congolaise un levier de développement durable, de résilience climatique et de souveraineté écologique.
Abstract
This article examines the political, economic, and socio-anthropological dynamics shaping forest governance in the Democratic Republic of the Congo (DRC), through the lens of the diagnostic process that led to the development of the new National Forest Policy (NFP). Grounded in a participatory empirical approach involving experts, local communities, public institutions, and technical partners, the study highlights the tensions between global conservation agendas, national imperatives for economic growth, and local practices of natural resource management. We analyze the complexity of forest governance in the DRC at the intersection of climate political economy, local land dynamics, and shifting power relations. This work contributes to the growing body of literature on environmental policy in states with fragmented institutional capacity (Aundu, 2012) and in contexts of “vampirized governance” (Bisa, 2019; 2021), where forests become both survival resources and commodified assets within global carbon markets. Furthermore, the study advocates for the institutional recognition and valorization of emerging forest types, such as conservation concessions, as well as for the reinforcement of state authority in forest governance an authority increasingly eroded in favor of local communities and Indigenous Pygmy peoples, calling into question the state's monopoly on legitimate violence. The integration of carbon certification mechanisms, localized accountability systems, and the valorization of forest scientific expertise, along with community-based innovations and traditional knowledge, emerges as a key strategy for positioning Congo's forests as a lever for sustainable development, climate resilience, and ecological sovereignty.
Déchets plastiques et économie du climat à Kinshasa : vers une écologie politique renouvelée
Jean-Jules Mboti[1] et Michel Bisa Kibul
[1] Doctorant en science politique, Université de Kinshasa et cadre administratif à l’Université Catholique du Congo
Résumé
Dans le contexte de la République Démocratique du Congo (RDC), où l'urbanisation galopante coexiste avec une gouvernance environnementale défaillante, la problématique des déchets plastiques soulève des enjeux multidimensionnels. À Kinshasa, capitale africaine de plus de 15 millions d’habitants estimé, la gestion déficiente des déchets plastiques non biodégradables constitue une triple menace : écologique (pollution de l’eau, des sols, et des forêts), sanitaire (contamination des nappes phréatiques) et économique (coût accru du traitement de l’eau, perte de fertilité des sols). Cet article propose une lecture socio-anthropologique et économique de ce paradoxe congolais, en croisant les perspectives de l’écologie politique, de la justice environnementale et de l’économie circulaire. À partir d’un corpus de données empiriques issues de deux enquêtes complémentaires réalisées à Kinshasa, nous analysons les effets systémiques des déchets plastiques sur les ressources naturelles (eau, sol, forêt), et explorons les potentialités d’un modèle endogène de valorisation verte fondé sur l’innovation locale, la science citoyenne, et la transformation structurelle. En conclusion, nous plaidons pour une réinvention de la gouvernance climatique en Afrique centrale, articulant transition écologique, justice sociale et souveraineté environnementale et socio-économique.
Abstract
In the context of the Democratic Republic of Congo (DRC), where rapid urbanization coexists with fragile environmental governance, the issue of plastic waste raises multidimensional challenges. In Kinshasa, a major African capital with an estimated population of over 15 million, the mismanagement of non-biodegradable plastic waste poses a triple threat: ecological (pollution of water, soil, and forests), health-related (contamination of groundwater), and economic (increased water treatment costs, declining soil fertility).
This article offers a socio-anthropological and
economic analysis of this Congolese paradox, drawing from political ecology,
environmental justice, and circular economy frameworks. Based on a corpus of
empirical data from two complementary field surveys conducted in Kinshasa, we
examine the systemic impacts of plastic waste on natural resources (water,
soil, forests), and explore the potential of an endogenous model of green
valorization rooted in local innovation, citizen science, and structural transformation.
In conclusion, we advocate for a reinvention of climate governance in Central
Africa, one that integrates ecological transition, social justice, and
environmental and socio-economic sovereignty.
